" Quoi ? Impossible, c'est un combat quotidien. Je ne cesse de me battre contre mes crises. Je fais tout pour les arrêter."
Oui, justement.
Et si vous faisiez fausse route ?
Quand on réalise qu'on va dans la mauvaise direction, on a deux possibilités :
- faire demi-tour, même si c'est fatigant, en essayant de profiter malgré tout du chemin
- ou poursuivre davantage dans la mauvaise direction, voire aller encore plus vite et encore plus fort sur cette fausse route.
"Personne ne peut consciemment choisir la deuxième solution. Aucun intérêt!"
On est d'accord, personne ne peut s'infliger ça en toute conscience.
Et c'est pourtant bien ce que fait l'écrasante majorité des personnes boulimiques, sans le savoir.
Croyant bien faire, elles investissent encore et toujours plus d'efforts précisément dans ce qui les maintient sur leur fausse route.
Vous trouvez ça absurde ?
Lorsque vous constatez votre impuissance devant la nourriture, lorsque vous réalisez que vos pensées gravitent autour de ce que vous allez manger ou pas manger, du poids que vous allez prendre ou perdre, de ce que les gens vont penser de votre silhouette et toutes ces choses, quelle est votre réaction instinctive ?
"Je dois resserrer le contrôle!"
Je dois absolument éradiquer ces crises, les contrôler, les circonscrire, trouver n'importe quel moyen pour qu'elles arrêtent d'envahir ma vie.
Et quand vous y parvenez, à force d'efforts énormes, vous vous rendez compte que le problème n'est pas résolu : c'est tout simplement l'enfer de consacrer toute son énergie et son espace mental à éviter les crises et les dérapages.
Vous constatez qu'il y a dérèglement alimentaire. Vous recherchez donc une réponse alimentaire.
Et comme vous pensez sans doute qu'il ne tient qu'à vous de rectifier les choses, vous mettez en place un contrôle.
Oh, attention!
Il ne s'agit pas de vous dire : lâchez-vous, mangez tout ce que vous voulez, quand vous voulez!
C'est quasiment impossible pour une personne boulimique, du moins tant que certaines angoisses ne sont pas réglées et il est dangereux de vouloir se délester trop vite des mécanismes de contrôle qui jouent eux aussi leur rôle régulateur.
En fait, inciter une personne boulimique à abandonner brutalement tout contrôle est tout aussi dangereux à mon sens que d'obliger une personne boulimique à ne plus faire de crises.
On voit parfois passer des témoignages de personnes qui s'en sortent.
Comme leur histoire est condensée dans un article, une vidéo, un livre, on a souvent le sentiment qu'un jour, elles ont eu un merveilleux déclic.
Elles se sont levées le matin en ayant tout compris à la boulimie et paf! elles ont lâché prise.
Je vous ôte d'un doute tout de suite : le déclic, ça n'existe pas.
Quand il y a prise de conscience soudaine, c'est qu'elle a été alimentée en amont.
Le problème, c'est qu'à vouloir attendre le déclic, on n'entame aucune démarche de fond, les années passent, la boulimie reste et s'empire.
On attend, mais on ne sait pas trop quoi.
Enfin si, ce fameux déclic.
On se demande "mais pourquoi ça bloque ? C'est quoi mon problème ?" Et en attendant de trouver la réponse tombée du ciel, on tient les rênes tant bien que mal en usant de volonté, de violence et on s'épuise.
J'ai un message extrêmement important pour vous :
VOTRE CORPS N'A AUCUN INTÉRÊT A VOUS FAIRE DU MAL.
Si vous avez développé une addiction pour la nourriture qui se traduit par l'obsession pour la nourriture et par une alimentation compulsive, c'est parce qu'elle est nécessaire au maintien de votre homéostasie - comprendre, l'équilibre de votre système.
Vos crises sont un signal d'alarme, pas le problème à éradiquer.
Et au lieu d'aller voir ce que cette alarme a à nous dire, qu'est-ce qu'on fait ?
On cherche où peut bien se trouver l'alimentation électrique de l'alarme, histoire de la faire taire une bonne fois pour toutes.
Vous savez quoi ?
Vous ne pouvez pas juste décider de couper l'alarme.
Vous devez aller, à un moment ou à un autre, vous occuper du sinistre.
Alors, qu'est-ce que vous faites ?
Vous continuez d'attendre votre déclic ou vous vous donner une chance de commencer à vous sortir de là ?